Jusqu'à dimanche, des égyptologues de la fac de Montpellier (Hérault) donnent gratuitement accès à leur dictionnaire en ligne : 4 500 hiéroglyphes sont recensés et ce n'est qu'un début. Fascinant.
La pierre de Rosette dans le texte, ça vous dit ? Bientôt, ce sera possible avec VEgA, premier dictionnaire numérique de hiéroglyphes, accessible à tous ! Lancée par une équipe d'égyptologues de l'université Paul-Valéry de Montpellier (Hérault), cette super base de données n'en est encore qu'à ses débuts. N'espérez pas en l'interrogeant pouvoir dévorer un papyrus comme un polar. Mais vous avez jusqu'à dimanche* pour vous y familiariser gratuitement avec les mille et une façons dont les Egyptiens employaient le mot « maison » (un rectangle ouvert sur le bas), apprendre à reconnaître sur un bas-relief le pictogramme du soleil (un disque centré) ou celui de l'eau (une ligne brisée).
Référencer un à un tous ces dessins scientifiquement attestés, leurs différentes graphies, le lieu de leur découverte, c'est cela, VEgA. « Pour l'instant, elle compte environ 4 500 mots, mais à terme il y en aura 27 000. Et pour cela, on compte sur l'ensemble de la communauté mondiale de l'égyptologie pour l'enrichir, amateurs passionnés compris », explique l'égyptologue Frédéric Servajean, responsable de ce super lexique conçu sur le modèle collaboratif de Wikipédia : à chacun d'y apporter sa pierre. Et du boulot, il y en a pour recenser tous ces pictogrammes qui ont couvert une période équivalant à celle du Moyen Age à nos jours, en clair trois mille ans !
Faucon, crocodile, abeille, scarabée, table, vase, couteau, scie, bracelet, sandale, oeil... En découvrant les infinies combinaisons possibles entre tous ces petits signes dont la beauté graphique continue de fasciner, on comprend vite pourquoi il a fallu attendre Champollion pour les déchiffrer en 1822. Encore aujourd'hui, certains restent impénétrables, même aux meilleurs, comme l'égyptologue Pierre Tallet. En 2013, en fouillant les galeries du port antique d'Ouadi el-Jarf, sur la mer Rouge, il est tombé sur un trésor inestimable : les plus anciens rouleaux de papyrus jamais parvenus jusqu'à nous, qui datent du célèbre pharaon Kheops (2589-2566 av. J.-C.). Parmi eux, le journal de bord d'un fonctionnaire, l'inspecteur Merer, qui dirigeait une équipe de bateliers participant à la construction d'une pyramide. « Il y évoque une personne chargée d'aller chercher des rations alimentaires, raconte le spécialiste. Il y est question de pain. Mais lequel ? Je sèche ! Les Egyptiens en fabriquaient une vingtaine de variétés. Si je pouvais comparer ce mot avec d'autres parlant des modes de fabrication du pain, cela m'aiderait », relève le professeur à Paris-Sorbonne.
Centraliser les connaissances pour booster la recherche, c'est justement l'autre grand objectif de VEgA. Car, pour l'instant, les sources demeurent éparpillées. Il y a bien le colossal et célébrissime dictionnaire de l'Académie de Berlin, voulu par l'empereur de Prusse Guillaume II, sur lequel s'appuient encore tous les égyptologues. Mais cette bible a vieilli. « Elle fige l'état des connaissances à la Grande Guerre, observe Frédéric Servajean. Or depuis, de nombreuses fouilles, comme celles des sites à Edfou et à Kom Ombo, ont révélé fragments et objets apportant leur lot de nouveaux mots, changeant certaines traductions. » Si certaines ont été intégrées dans des dictionnaires spécialisés, d'autres non ! « La connaissance s'éparpille, déplore-t-il. Ne parlons pas du temps perdu à devoir compulser de multiples ouvrages ! » VEgA ou la pierre de Rosette à portée de tous ?
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